Newsletter Les Enfants de Chiron N°64 La série phénomène « Adolescence »
- lesenfantsdechiron
- il y a 11 minutes
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La série britannique « Adolescence » de Jack Thorne et Stephen Graham remporte actuellement un énorme succès international. À tel point que le Premier Ministre anglais a décidé de la diffuser gratuitement dans les lycées. Le sujet est simple : un jeune adolescent de 13 ans est brutalement tiré de son lit au petit matin par la police qui l’accuse d’avoir tué à coups de couteau une camarade de classe. Un sujet qui entre malheureusement fortement en résonance avec l’actualité du moment.
L’arrestation particulièrement violente à laquelle procède la police sidère la famille, qui va devoir s’éveiller de sa douce torpeur et envisager le pire : découvrir qu’elle a peut-être engendré, malgré tout son amour, un assassin de la première heure.
La mini-série (4 épisodes), filmée en plans-séquences pour nous rapprocher des acteurs et de leur détresse, nous entraine dans le lieu d’une incompréhension totale de parents qui, comme la plupart des parents, « ont fait de leur mieux ». Mais la réalité est là : la scène a été intégralement filmée par les caméras de surveillance. L’enfant nie, sincère et dérouté par sa propre incompréhension, comme si on pouvait effacer les images, effacer l’horreur, remonter le temps, comme dans les films.
Si la série a le mérite de nous montrer une famille banale et des parents aimants complètement dépassés, elle n’explique rien et se contente de nous laisser hébétés face à un drame qui n’est pas même passionnel. Qu’ont raté les parents ? Pourquoi une telle violence ? La série semble déplacer les causes de cette violence sur ce qui échappe à la vigilance des parents. Elle a le mérite de résumer le climat actuel de violence qui règne chez les personnes de plus en plus jeunes. Les phénomènes de harcèlement, les attaques au couteau, les rixes deviennent des faits divers habituels et posent la question d’une société qui ne sait plus comment lutter contre les dérives qu’elle engendre elle-même par sa déconstruction.
Biberonnés dès leur premier âge à la violence des images, au déchaînement des réseaux sociaux, à la rudesse des rapports de force, les enfants n’ont plus conscience des limites. Où est la frontière de la réalité ? Comment rétablir ces limites quand tout échappe ?
Il faut accepter l’idée qu’un immense fossé s’est creusé entre ce que les adolescents vivent dans la sphère familiale et ce qu’ils vivent à l’extérieur.
Comment combler le fossé entre une génération qui fonctionne sur des valeurs qui sont en pleine déconfiture et une génération décomplexée qui échappe à toute contrainte dans la mesure où la source existentielle de sa réflexion est essentiellement dans son smartphone ?
La question est complexe et interroge la manière de vivre dans une société occidentale qui a entamé sa descente vers une décadence qui ne fait plus aucun doute. Comment empêcher les adolescents d’être engloutis par cette tourmente annoncée et surfer sur la vague d’un monde qui s’effondre ?
Nombreux sont ceux qui prônent un retour à une discipline à l’ancienne. Force est de constater que ça ne marche pas et c’est normal car cette autorité est devenue une feinte grossière. La remise en cause est plus profonde et sans doute allons-nous vers une réalité qui imposera ses propres limites. Si tel est le cas, c’est à cela qu’il est indispensable de préparer les enfants au moyen d’une parole vraie qui contrebalance celle plus attrayante mais dangereuse des réseaux. Une parole vraie, c’est-à-dire une parole qui dise la médiocrité du monde et qui prenne appui sur l’art et la culture, seule manière de contrecarrer l’attrait des images superficielles et des réseaux.
Par Linda Gandolfi
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