Les récentes affaires de harcèlement ayant entrainé le suicide d’adolescents, interpellent sur la manière de protéger et venir en aide à ces enfants qui ne trouvent plus de sens à leur existence alors qu’elle ne fait que commencer.
Quoi de plus terrifiant et culpabilisant pour une famille de vivre le suicide d’un adolescent ?
Pourtant les chiffres sont là : « Le suicide est la deuxième cause de décès chez les 15-24 ans » (chiffres fournis par l’OFDT). Il n’a cessé d’augmenter notamment après la COVID.
Il est certes facile de dire que le monde que nous leur proposons n’est pas engageant. S’il explique en partie ce geste, nous ne pouvons pas nous contenter de cette justification et il nous appartient, professionnels de la petite enfance et parents, de tout faire pour éviter ce drame dans les familles.
Les dernières affaires de harcèlement ont alerté les pouvoirs publics qui ont demandé au personnel de l’éducation Nationale une plus grande vigilance et une prise en compte sérieuses des plaintes. C’est une première étape importante : écouter la plainte de l’enfant et la prendre au sérieux. Même si elle n’est pas fondée et si elle relève d’une exagération voire d’une position hystérique, elle révèle tout de même d’un malaise qu’il convient d’entendre. Cela dit, le développement des réseaux sociaux a provoqué nombres de situations bien réelles et très difficiles à assumer pour les ados.
C’est cependant du côté des parents que la vigilance et la compréhension des difficultés de l’enfant s’avère capitale. Les signes avant-coureur de la détresse des adolescents sont diffus mais ils existent.
Il y a bien sûr les difficultés qui se sont manifestés dans la petite enfance et qui se sont enkystés : difficultés à s’exprimer, mal-être avec les autres enfants ou adultes, difficultés d’apprentissage, phobies scolaires… autant de situations qui signalent que l’enfant ne trouve pas les ressources nécessaires en lui-même pour accéder à la réalité des autres et prendre plaisir à leur compagnie.
Puis il y a les difficultés typiquement liées à l’adolescence ; l’enjeu est toujours le même : les autres. Le défi est d’autant plus fort que l’enfant comprend qu’il va devoir quitter le nid. Soit le nid est trop protecteur, soit il ne l’est pas assez. Paradoxalement, les effets sont presque les mêmes. C’est toujours la dimension de la réalité qu’il va falloir prendre en compte laquelle est challengée en quelque sorte par la dimension fantasmatique encore très présente à cet âge tendre. La boucle entre le Réel, le Symbolique et l’Imaginaire, est particulièrement fragile et dans l’équation, la mort c’est le Réel ; un Réel qui devient la solution quand la réalité semble inaccessible.
Que faire pour éviter d’en arriver là ?
Le couple de parents et plus généralement la famille sont le lieu où se nouent les premiers échanges relationnels qui vont servir de base structurelle aux échanges avec l’extérieur.
Mais entre la maison et l’extérieur, les mondes sont parfois très éloignés. Circuler de l’un à l’autre peut faire surgir les failles de l’enfant. La maison doit en effet être le lieu protecteur où l’on peut se relâcher, exprimer ses peurs librement, et prendre des forces.
D’où la nécessité pour les parents d’être vigilants à ce que vivent les enfants auprès d’eux et de ne pas hésiter à mettre en question leur propre attitude pour trouver comment les aider à grandir dans la sérénité. Il est de leur responsabilité de regarder du côté de ce qui ne va pas chez leur enfant et d’ouvrir la discussion. La plupart du temps, les parents ont la solution et pourrait-on dire, sont la solution car c’est au sein du foyer que s’élabore la construction de l’enfant. C’est tout l’enjeu de la compréhension de la complexité des relations aujourd’hui : libérer l’enfant du poids du passé transgénérationnel et lui donner les moyens d’affronter une réalité de plus en plus déstructurée où la sauvagerie s’immisce dans les relations.
Avec les réseaux sociaux, tout va plus vite et tout échappe. Le plus grand danger concerne les dérives sexuelles : les enfants sont de véritables proies prêts à accepter les pires injonctions pour exister aux yeux des autres et se retrouvent souvent piégés sans avoir eu le temps de comprendre ce qui leur arrivait.
Les mises en garde sont importantes ! Marteler sur ces dangers : ne jamais donner la moindre photo compromettante sur les réseaux sociaux même à ses meilleurs amis. Alerter en permanence sur les dangers de l’utilisation des moindres renseignements intimes. Les enfants sont prêts à tout pour exister et avoir leur place au sein d’un groupe. Ils sont prêts à accorder leur confiance sans mesurer à quel point les informations circulent vite aujourd’hui. Propulsé sous le regard des autres, le Moi s’expose à toutes les agressions, à toutes les humiliations.
Il est d’autant plus difficile pour les parents de créer un climat de confiance que l’enfant entre dans une période où il doit s’émanciper de sa famille. Cependant, la parole des parents reste malgré tout prépondérante. Même quand elle est dénigrée voire même niée par l’enfant, elle doit exister. Il est important d’être présent sans toutefois trop peser en comprenant que l’enfant cherche une issue à nos propres problématiques existentielles. C’est ce qui fait de l’adolescence un moment si particulier : à la fois une dernière chance pour l’enfant d’exprimer un ressenti indicible mais qui parle des non-dits familiaux. A nous de les comprendre même s’il n’est certes rien de plus complexe que cerner ce que traversent les enfants dans cette étape.
Cette position pourra paraître quelque peu culpabilisante car elle invite à penser au pire, mais elle vise justement à ne pas se trouver face à des situations encore plus culpabilisantes et irréversibles.
Par Linda Gandolfi
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