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Newsletter n°53 : Israël, terre promise

Existe-t-il au monde un lieu aussi chargé d’histoire qu’Israël ? Existe-t-il au monde un lieu aussi chargé de symboles ? Ce petit bout de terre de 22145 km2 (479 km du nord au sud et 135 km de large, au maximum, pas plus grand que trois départements français) est avant tout le témoin de l’origine des trois grandes religions monothéistes. On peut par conséquent penser que les drames qui s’y jouent depuis des décennies sont hautement symboliques.


C’est en effet en ce lieu, qu’après la deuxième guerre mondiale, il a été décidé de créer de toute pièce l’État d’Israël. Avec le recul, ce n’était sans doute pas la meilleure solution. Mais on n’en a pas eu d’autres face à la honte et à la culpabilité bien normale suscitées par l’infamie des camps de concentration. À l’époque, de nombreux auteurs se sont élevés contre cette solution réclamée par les sionistes. On pourra lire à cet égard le livre « Antisionisme, une histoire juive »[1] qui vient de paraître. On y trouvera notamment un texte de Hannah Arendt et on pourra vérifier que la solution ne faisait pas l’unanimité. C’est pourtant celle qui fut choisie et on peut aussi penser que cette décision obéissait à des considérations hautement symboliques. Le peuple juif allait avoir une terre, la terre de Canaan.


L’identification prioritaire du peuple Juif à un texte et non à une nation fut en elle-même une étrangeté jamais totalement comprise par les chrétiens ou les musulmans, voire jamais totalement acceptée. Pourtant en s’identifiant à la Torah avant même d’appartenir à une nation d’accueil, les juifs conservaient le témoignage de ce dieu unique qui leur avait laissé les tables de la loi avant de se retirer : premier geste d’élection et de différenciation instaurant l’altérité. Le Christianisme et l’Islam n’auraient pu exister sans ce geste fondateur, il est quelquefois nécessaire de le rappeler.

C’est ainsi que les juifs formèrent un peuple errant enclavé au sein des autres peuples, plus ou moins bien toléré et souvent martyrisé. Mais ce petit peuple comme l’appelle Georges Steiner, fut fidèle au texte de l’origine envers et contre tous.


Aujourd’hui, c’est à nouveau dans une enclave au cœur du Moyen Orient que ce peuple est pris à parti : juifs et palestiniens sont au maximum de l’exacerbation de la haine qui n’a cessé de grandir entre leurs deux peuples défendant chacun leur « bon droit ».


Les protagonistes se renvoient bien évidemment la responsabilité de l’agression, rhétorique reprise en boucle par l’ensemble des commentateurs qui participent de ce fait à la confusion générale. Chacun avance ses raisons dans une logique implacable : résistance ou terrorisme ? Attaque ou défense ? Provocation ou protection ? Qui peut vraiment répondre à ces alternatives sans générer de la haine pour l’un ou l’autre camp ? Et c’est bien là le problème central : la haine. La haine du juif, la haine de l’arabe, la haine de l’occidental…, la haine de l’autre. Des monceaux de haine accumulée entre les peuples que les gouvernements accompagnent et mettent au service d’intérêts économiques et politiques.


Hegel justifiait la guerre comme une confrontation nécessaire à l’altérité. Faute de ne pouvoir rencontrer l’autre, le différent, dans un échange courtois et civilisé autrement dit sans haine, il est semble-t-il nécessaire de s’étriper, sans doute pour mieux se réconcilier.

0n aurait pu penser que la tentative d’éradication des juifs par Hitler, fanatique des hommes moulés sur le même modèle et donc allergique à toute différenciation, aurait servi de leçon, mais la haine est tenace.

On aurait aussi pu penser qu’avec le temps, et avec les conséquences des guerres soutenues par un armement de haute technicité et par conséquent très meurtrier, la conscience humaine aurait su gérer et dépasser les conflits autrement que par les armes. Ce qui se passe montre qu’il n’en est rien. Le combat, la destruction, la mort sont au cœur de l’existence. La haine se répand inexorablement. Chacun détient un bout de vérité mais en définitive, c’est la mort qui gagne.

Pour ma part je suis bien incapable de prendre parti et je pleure comme vous sans doute, les enfants tués de part et d’autre sans pouvoir les distinguer.


Le seul espoir est de penser que l’enjeu n’est pas uniquement autour d’Israël. Pour sortir de l’impasse, chrétiens, musulmans et juifs doivent impérativement reconnaître le fondement métaphysique du conflit, à savoir la reconnaissance de l’Autre Absolu unifiant toutes les figures de l’altérité, de tous les autres dans leur différence. Ce n’est qu’à cette condition, en sortant de la haine que l’on pourra placer la conservation de la vie au premier rang de nos préoccupations. Mais est-on capable de ne plus se haïr ?


Linda Gandolfi

[1] Antisionisme, Une Histoire Juive, textes choisis par Béatrice Orès, Michèle Sibony, Sonia Fayman, éditions Syllepse, Paris, 2023

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