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Newsletter n°49 mars 2023 : Les mythes, pour une compréhension de l’âme humaine

La mythologie a le vent en poupe. Mode passagère ou redécouverte métaphysique sérieuse ? Quand on connaît l’attachement aux mythes et plus particulièrement aux mythes grecs, des philosophes tels que Schelling, Hegel ou Nietszche, on est en droit de se demander si cet engouement pour les mythes n’est pas le signe d’une quête profonde de vérité.


En effet, ces figures mythiques enfouies sont en train de resurgir : elles s’invitent dans de nombreuses bandes dessinées, dans les jeux vidéo, dans les sagas cinématographiques, dans les séries, et plusieurs magazines leur sont consacrés, sans compter les compilations romancées de plus en plus nombreuses pour petits et grands.

Que se cache-t-il donc derrière ces histoires de dieux et de héros hors normes ? Pourquoi sommes-nous encore sensibles à ces histoires fabuleuses en apparence si éloignées de notre quotidien ?


Si les mythes évoquent un temps révolu, cela ne veut pas nécessairement dire que c’est un temps totalement disparu. Pour Walter Friedrich Otto[1], un des plus grands mythologues des temps modernes, les mythes nous racontent comment les hommes se sont progressivement éveillés à la conscience. Il nous explique qu’au travers de ces figures grandioses, se dessine le long cheminement de l’être vers une conscience de lui-même qui répond au « connais-toi toi-même » inscrit sur la porte de Delphes. Pour W F Otto le mythe, « n’est rien d’autre qu’expérience originaire devenue manifeste qui seule rend également possible la pensée rationnelle. »[2] Ainsi la pensée rationnelle qui caractérise notre monde occidental n’est pas née spontanément, de rien, mais elle repose sur des siècles de pensée mythique et je dirais même d’expérience mythique de la réalité.


Hésiode et Homère font revivre pour nous ce temps où les hommes pouvaient encore apercevoir leur propre constitution dans la nature sauvage et indomptée. Ils cheminaient alors au plus près du jaillissement de la vie en eux et autour d’eux, à l’image de l’enfant qui ouvre grand ses yeux sur le monde et le reçoit dans sa vérité. Une vérité qui échappe à la statistique, à la mécanisation, aux évaluations financières. Car ­pour Otto, c’est pour avoir oublié, voire nié ce monde irrationnel que nous sommes plongés aujourd’hui dans une histoire chaotique dont on a bien des difficultés à trouver le sens. Il est certes facile de dire que ce chaos est le résultat de la folie des hommes. Mais alors d’où vient cette folie ? Comment les hommes ont-ils pu penser qu’ils pouvaient se passer de métaphysique ?


Paradoxalement, c’est avec la puissance de la pensée rationnelle qu’Otto nous invite à redécouvrir ce monde enseveli sous des tonnes d’histoires. Il écrit : « Force nous est de reconnaître partout dans les mythes une grandeur, une force, une puissance dans la vision à laquelle on ne peut se soustraire, à côté de quoi toute autre représentation ne peut paraître que pauvre, faible et terne. »[3] Faible et terne, tel est devenu notre monde sans dieux.


Le réveil des mythes en ces temps de grande remise en cause n’est donc pas un hasard. Une voie s’ouvre et s’infiltre entre deux positions existentielles qui s’ignorent. Le mythe s’immisce donc au lieu même de la rupture radicale effectuée depuis Descartes entre le monde des origines, préalable à toute évolution y compris la modernité, et le monde scientifique rationnel qui a oublié le socle mythique sur lequel il repose. Les deux positions appartiennent à un ensemble plus large qui englobe aussi bien la rationalité matérialiste que les révélations métaphysiques.

Ainsi les mythes se révèlent à ceux qui s’ouvrent à la lumière si longtemps voilée par plus de 2500 ans d’histoire dont nous sommes sottement si fiers.


Par Linda Gandolfi


[1] W.F. Otto, Essai sur le mythe, ed Allia, 2017 [2] W. F. Otto puis cité, p 41 [3] W.F. OTTO opus cite, P 8

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