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La poussette face à la mère

Dernière mise à jour : 7 déc. 2021


RENVERSONS LES POUSSETTES


Il est essentiel pour le bébé qu’il puisse voir la personne qui le pousse.


Depuis quelques années, l’intérêt psychologique pour les relations mère-enfant ne cesse de nourrir la réflexion et d’emplir les pages de nos magazines. La vulgarisation des règles de la construction psychique, qui a été vivement critiquée par les psychanalystes, relève, malgré tout, d’une véritable volonté d’améliorer l’existence. Cependant, cette large médiatisation pousse à une surenchère des théories et de changements qui peuvent s’avérer extrêmement dangereux. Ainsi, je ne sais quelle réflexion fantaisiste a traversé un jour la tête d’un fabricant, pour qu’il décide subitement de changer la position des bébés dans les poussettes. Motif invoqué : en ayant le visage tourné dans le sens inverse de la marche, le nouveau né ne pourrait jouir du paysage.


Et voilà nos petits anges installés face au monde et soumis aux intempéries et à la pollution qui, à ras du sol, ne manque pas de les submerger.


Tout cela ne serait pas si grave s’il ne s’agissait que de fumées ou de gouttes de pluie. Cette position, dos tourné à la personne qui pousse, coupe l’enfant de la vision de cette personne, et c’est là où le bât blesse. Ce changement va à l’encontre de toutes les constatations faites sur la construction psychique. L’ensemble des cliniciens s’accorde aujourd’hui sur le fait que c’est à partir d’un détachement progressif que l’enfant opère vis-à-vis de sa mère qu’il prend conscience de son unité psychique. C’est une lente démarche, initiée par la coupure du cordon ombilical à la naissance et qui se poursuit par des étapes d’éloignement qui scandent le développement de l’autonomie de l’enfant : le sevrage, le stade du miroir, l’apprentissage de la verticalité, la marche, etc.


Cette construction est soutenue par la présence affective et langagière de l’entourage proche. Le lien physique à la mère est à la fois le lieu d’ancrage du moi de l’enfant et le fil conducteur qui va lui permettre de prendre confiance en lui dans sa rencontre avec le monde et les autres. Dans cette construction, le lien visuel est capital : il permet à l’enfant qui commence à s’éloigner (notamment lorsqu’il joue avec d’autres enfants dans un parc par exemple) de vérifier la présence rassurante et d’éprouver sa propre unité sans angoisse. La brutale suppression de ce lien visuel provoquée par le changement de posture des poussettes met en demeure l’enfant de devoir affronter l’inconnu qui se présente à lui dans une solitude redoutable. Cette épreuve ne devrait pas avoir lieu (si tant est qu’elle soit utile) avant l’âge de 3 ans, âge où l’enfant est supposé avoir un noyau du moi suffisamment élaboré pour pouvoir imaginer le retour de la mère, par exemple lorsqu’il est à l’école.


Lors des promenades dans ces nouvelles poussettes, même si la mère ou la personne qui pousse l’enfant se signale par des paroles, le lien est malgré tout interrompu et l’enfant n’est pas encore en mesure de coordonner toutes les informations qui lui parviennent. C’est en effet, le sens de la vue et l’image qui opèrent cette première cohérence unitaire autour de l’enfant. Le traumatisme occasionné par ces situations pourra être minimisé, voire compensé par une présence aimante et équilibrée autour de lui. Mais nous savons aujourd’hui que les meilleures volontés manifestées dans l’accueil d’un enfant sont quelquefois insuffisantes à pallier les désordres inconscients qui s’immiscent dans les relations. On imagine avec effroi les conséquences que vont avoir ces promenades dans ces poussettes chez des enfants fragilisés.


Par ailleurs, pourquoi imposer à des enfants des épreuves sans aucun fondement alors qu’il est si simple de trouver un accord entre le design des poussettes, leur légèreté, leur confort et un positionnement conforme au besoin de l’enfant ? Les poussettes «ancienne formule» sont aujourd’hui difficiles à trouver, mais j’invite toutes les mamans à imposer aux constructeurs leur bon sens.


Par Linda Gandolfi


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