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Newsletter 30 : Quel avenir pour la génération covid ? (suite)

Vous avez été nombreux à commenter la dernière lettre et vous avez notamment souhaité plus de précisions quant aux changements à opérer dans l’éducation des enfants de la “génération COVID”.


C’est justement pour répondre à ce type de questions que nous avons créé les “Enfants de Chiron”. Le fait que ce sont les enfants d’aujourd’hui qui vont être les acteurs du monde de demain, tout le monde le sait, mais quel sera ce monde ? À quoi devons-nous préparer les enfants ? Seule, une analyse qui prend en compte à la fois les étapes de l’évolution ainsi que les difficultés manifestées par les enfants à ce jour, peut nous aider à anticiper les enjeux existentiels.


En ce qui concerne les étapes de l’évolution, nous savons que l’enfant passe par une phase mythique (mutique) puis dans une phase mythologique dès l’apparition des premières paroles, réitérant ainsi les grandes étapes de la genèse. La construction psychique s’érige depuis ce fond mythologique qui sert de canevas en quelque sorte à l’histoire de l’enfant qui s’éveille progressivement au monde qui l’entoure.


La conscience individuelle se construit sur cette base universelle laquelle est confrontée à l’histoire particulière de la famille. C’est lors de cette confrontation que peuvent se manifester les difficultés de l’enfant. Ainsi, quand l’écart entre ces deux processus est trop important, l’enfant le manifeste par des difficultés particulières. C’est là où nous faisons appel directement à l’histoire mythique qui permet de comprendre les enjeux de cette construction.


En effet, ces histoires étranges et quelquefois farfelues que sont les mythes ne sont pas de simples histoires. Elles sont à l’origine des premières formes psychiques qui ont permis la conscience. Elles sont un accès direct aux premières formations que l’enfant réactualise en quelque sorte dans son vécu.


Cette dialectique entre l’universalité des principes (le mythe) et les processus individuels (l’histoire de la famille) est donc au cœur des manifestations de l’enfant. Il nous appartient aujourd’hui de les repérer pour saisir le langage inconscient qui s’exprime ainsi de manière directe.


Je citerais à titre d’exemple, le début du récit de la Théogonie d’Hésiode ( trad. C Terreaux, éd. Arléa, 1995).


Arrêtons-nous à ce moment où Gaïa, la terre née du Chaos, met au monde Ouranos, le ciel. Le mythe nous dit que les deux immenses divinités vont rester enlacés durant un temps immémorable durant lequel les enfants poussent dans le ventre de la terre-mère. Que savons-nous de ce temps alchimique de gestation passé dans le ventre ? C’est dans le secret des origines que se prépare la venue de l’enfant. Mais déjà les formes universelles se confrontent à l’histoire spécifique des parents et entrainent les accouchements prématurés ou tardifs, les césariennes, les difficultés de toute sorte ou au contraire les atterrissages en douceur.


Mais continuons un peu le récit : Ouranos le père s’oppose à cette naissance. Ce n’est que lorsque Gaïa, lasse de cette étreinte, demande à son fils Kronos de la délivrer que naîtront de cette déchirure les Titans. Qui sont-ils ? Que représentent-ils ? Ces premières « étendues » qui vont rejoindre les cyclopes et les montagnes ne sont autres que les premières représentations du monde que l’enfant perçoit à la naissance : de vastes étendues peuplées de Géants, de Titans, de Cent-bras, des formes immenses qui se déploient de toute part et que l’enfant va devoir s’approprier pour construire le socle de sa psyché.


Dès les premiers instants, l’histoire se met en marche avec ses claudications dans le mystère épais de cette origine sacrée. L’ambiance autour du nourrisson va habiller ces formes qui seront plus ou moins difficiles à intégrer.


Ouranos, castré par Kronos se retirera à jamais dans le ciel, inondant la terre de sa lumière, alors que l’éclairage artificiel de l’humanité challengera cette première lumière.


Ainsi l’approche mythologique étendue à tous les mythes — et pas seulement à Œdipe et Narcisse —, permet un prolongement de la vision psychanalytique car elle éclaire les étapes de cette construction psychique qui s’appuie à la fois sur un modèle universel (le mythe) et une histoire singulière, celle de la famille prise dans l’historicité d’une époque précise.


L’exceptionnelle vivacité des enfants, leur réactivité assez incroyable, et aussi leur malaise grandissant quand ils se sentent incompris, sont autant d’indices qui nous invitent à comprendre leur attente de plus en plus exigeante.


Le « Ah ça passera en grandissant ! » des générations précédentes n’est plus possible aujourd’hui. D’une part parce qu’on sait que ça ne passe pas, ensuite parce qu’il y a aussi un enjeu du côté des parents qui doivent « grandir » avec leurs enfants en dépassant des problématiques inconscientes déposées sur leur dos depuis des générations.


Nous ne pouvons plus ignorer que les enfants ont accès à un monde qui nous est devenu inconnu et qu’ils en manifestent toute l’essence.


Il faut, bien sûr, beaucoup de courage pour affronter ce questionnement. Il n’est pas facile de s’apercevoir que l’on peut être une mère acariâtre (Médée) qui ne veut pas renoncer à un idéal, un père tyrannique (Laïos, père d’Œdipe) qui dans le fond n’accepte pas d’être détrôné, une mère possessive (Héra, épouse de Zeus) qui refuse de voir grandir ses enfants, un père jaloux (Poséidon l’opposant d’Ulysse) qui déverse son mal-être sur son ado, autant d’images projectives de notre propre enfance que l’on ne veut surtout pas incarner et qui, pourtant, s’imposent subrepticement dans la pesanteur du quotidien, quand la conscience s’endort et laisse resurgir les mythes.


Il faut aussi savoir que ce courage est vite récompensé, — et nous en avons constamment la preuve dans les consultations des Enfants de Chiron —, car la vérité ne demande qu’à surgir. Il suffit souvent d’aider les parents à prendre un peu de recul pour qu’ils découvrent eux-mêmes leurs attitudes inconscientes.


Les jeunes parents sont aujourd’hui beaucoup plus conscients de ces problématiques et sont d’une manière générale, à l’écoute de leurs enfants. Mais l’exigence va bien au-delà de cette écoute dans la mesure où, nous l’avons vu, nous sommes historiquement dans un changement de paradigme.


On trouvera dans le site des Enfants de Chiron, de nombreux exemples d’analyses de situations en lien avec les enjeux mythiques et on pourra aussi lire « Dieux de l’Olympe et enfants d’aujourd’hui » aux éditions Tom Pouce, 2017 qui met en lien directement les problématiques des enfants avec l’ensemble des divinités de l’Olympe.


Linda Gandolfi

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