Il est difficile de mesurer dès à présent les conséquences médicales, psychiques, sociales et financières de la Covid-19, mais tout le monde s’accorde à dire qu’elles pèseront lourds dans les mois, voire les années qui arrivent. Mais quelles vont être les conséquences directes sur la « génération Covid » ? Comment les enfants — des plus petits qui sont arrivés au monde dans cette tourmente aux plus grands, à l’université ou dans les écoles supérieures, en passant par nos collégiens et lycéens —, comment donc, ces enfants, petits, ados et même jeunes adultes, vont-ils appréhender le monde post-Covid ?
Si les parents veulent les accompagner correctement et les préparer à ce qui les attend, il est nécessaire d’envisager ce que pourra être ce monde de demain et quel défi il réserve à la génération qui arrive. Pour cela, il nous faut analyser la situation du point de vue symbolique. En effet, toute situation est à la fois le résultat d’une histoire qui l’a produite et le catalyseur d’une histoire nouvelle en train de se construire. L’approche anthropologique des Enfants de Chiron consiste à éclairer ce moment où la difficulté surgit et d’en déceler les enjeux symboliques au travers des images produites.
Parmi les images les plus insolites et les plus inattendues de la pandémie, nous avons eu cet arrêt spectaculaire de l’activité pendant le premier confinement que presque tous les pays du monde ont observé. Que peut signifier l’image d’un monde qui tout à coup se fige, vidant ses rues, paralysant ses aéroports, fermant ses écoles, ses collèges, ses lycées, ses universités, ses musées, ses salles de spectacles, ses parcs, ses plages, ses forêts… et presque tous ses magasins ?
C’est cet instant d’arrêt sur image qui contraste le plus avec le monde grouillant d’hier et qui recèle à mon sens, la clé du problème. En effet, si le symbole donne à voir ce qui est caché, alors il nous faut reconnaître que ce monde pulsant dans toutes les directions, déplaçant à chaque vacance des milliers de gens circulant jour et nuit en tout sens, ce monde-là, si l’on en croit l’image symbolique, était un monde arrêté. Certes, l’agitation était bien réelle mais à quoi menait-elle ? Est-ce que tout ce mouvement avait un sens ? Après quoi cet homme pressé courait-il si ce n’est après un progrès sans fin, une consommation absurde de voyages, de loisirs sans autre but que de se distraire ?
Il nous faut admettre que ce monde tournait à vide, dans une course chimérique vers un avenir qui ne pouvait déboucher que sur une chute avec un arrêt brutal comme une voiture lancée sans but à toute allure sur l’autoroute de l’existence et qui tout à coup se retrouve dans un banc de brouillard sans aucune visibilité. Ce monde en apparence si agité était en réalité arrêté par le non-sens de son mouvement.
Alors le virus s’est invité dans les bagages de ces voyageurs sans destination et il n’en sortira que le jour où tout mouvement trouvera sa destinée. Pour l’instant, il se contente de montrer la mort comme fin du voyage, obligeant chacun à mesurer le poids de sa vie.
Par conséquent, être parents de cette « génération Covid », c’est avoir la lourde responsabilité de proposer aux enfants de construire une vie qui a du sens. Les aider à garder ce regard émerveillé qu’ils posent sur le monde, préserver leur innocence, les accompagner dans leurs difficultés en comprenant qu’elles ne sont que le reflet des nôtres, les observer grandir et refaire avec eux ce bout de voyage en regardant le monde au travers de leurs yeux, un monde à construire et non à vampiriser. Aller avec eux à la rencontre des autres, au coin de la rue.
Linda Gandolfi
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